AFP, publié le dimanche 25 septembre 2022 à 13h30.
Bien plus que de gros cailloux potentiellement dangereux, les astéroïdes sont de petits mondes géologiques variés qui racontent l’origine du système solaire, mais ils sont encore peu connus : c’est pour explorer cette « terra incognita » que la sonde HERA va remonter, dans le sillage de DARD.
Dans la nuit de lundi à mardi, la mission DART de la NASA tentera de dévier la trajectoire d’un astéroïde en entrant en collision avec Dimorphos, une petite « lune » en orbite autour d’un astéroïde plus gros, Didymos, situé à 11 millions de kilomètres de la Terre.
Cette expérience grandeur nature vise à raccourcir la durée de l’orbite du petit astéroïde autour du plus grand, pour savoir si l’humanité est capable de modifier volontairement l’orbite d’un astéroïde qui menace notre planète.
« Un tel système de deux astéroïdes est un banc d’essai parfait pour une expérience de défense planétaire, mais c’est aussi un environnement complètement nouveau », a déclaré Ian Carnelli, responsable de la mission HERA pour l’Agence spatiale européenne (ESA).
La sonde européenne, baptisée HERA en hommage à la déesse grecque du mariage, sera lancée en octobre 2024 et arrivera à Dimorphos en 2026. Objectif : revenir sur la « scène du crime » pour évaluer les conséquences de l’impact du DART.
Ainsi, le test de déviation sera entièrement documenté, grâce aux informations collectées par les instruments HERA (caméras, laser, imageurs haute résolution, radar, etc.). Cela permet aux experts de la défense planétaire d’alimenter de manière fiable des modèles pour extrapoler des scénarios d’impact.
« Nous devons connaître la nature et la composition des astéroïdes car, selon la texture de la roche, ils ne représentent pas le même danger », a souligné l’administrateur associé de la NASA, Bhavya Lal, lors du Congrès international d’astronautique cette semaine à Paris.
Les scientifiques s’attendent à être surpris par les résultats des études. Car « on ignore presque tout » sur ces corps célestes, explique Patrick Michel, chercheur principal à l’HERA. « C’est un nouveau monde que nous allons explorer ».
Pour cet astrophysicien, les astéroïdes ne sont « pas que des cailloux ennuyeux dans l’espace, mais de petits mondes géologiques fascinants et complexes, avec des cratères, des bassins, des champs de roches, des émissions de particules… »
Mais la science peine à comprendre ces territoires car l’attraction gravitationnelle sur leurs surfaces est très faible par rapport à celle de la Terre : Le comportement de la matière y est « totalement contre-intuitif, on ne peut pas se fier aux images pour savoir comment se comportent les astéroïdes, il faut aussi les toucher ». « , explique Patrick Michel.
Un exemple? Une petite explosion provoquée près de la surface de l’astéroïde Ryugu (découvert en 1999) a formé un cratère de 15 mètres, bien plus grand que ce que prévoyaient les simulations. Et bien que la roche soit censée être solide, « à l’impact la surface s’est comportée comme un liquide, n’est-ce pas étonnant ? ».
Les systèmes binaires tels que Didymos et son satellite Dimorphos représentent environ 15% des astéroïdes connus et n’ont pas encore été explorés.
Avec 160 mètres de diamètre (la taille de la Grande Pyramide de Gizeh), Dimorphos sera aussi le plus petit astéroïde jamais étudié.
Forme, masse, composition chimique, structure interne, résistance aux chocs, forme du cratère provoqué par DART : les instruments d’HERA doivent révéler les secrets de Dimorphos. À la fin de la mission, un microsatellite se posera même à la surface pour mesurer ses rebonds.
Cette documentation inédite aidera également les astrophysiciens à remonter le temps, car les astéroïdes sont d’excellents « traceurs de l’histoire du système solaire », précise Patrick Michel. En effet, ces petits corps rocheux ont conservé la mémoire de la composition du système et de ses planètes, qui se sont formées par collisions.
« Aujourd’hui, nous sommes à une époque où toutes les surfaces solides du système solaire ont des cratères. Pour trouver le scénario original, nous devons comprendre ce qui se passe lorsque deux corps entrent en collision. » Pas en laboratoire, mais à échelle réelle grâce au couple DART-HERA, espèrent les scientifiques.