Sur le papier, le titre de l’élection qui se jouait le 29 septembre à Bucarest n’a pas fait rêver. Il appartenait à l’ONU de choisir le futur chef de son agence des télécommunications, l’UIT. En effet, le rôle de cette institution est important car elle établit des standards mondiaux dans les domaines de la téléphonie mobile, de la télévision et de l’Internet. Et les deux candidats à la direction ont présenté une vision différente du monde de la communication. C’est finalement l’Américaine Doreen Bogdan-Martin qui a été élue, avec 139 voix en sa faveur, contre 25 au Russe Rashid Ismailov. Elle est la première femme à occuper ce poste.
La candidate gagnante, choisie des États-Unis, était bien connue de l’organisation, car elle est responsable de son développement. Doreen Bogdan-Martin a rejoint l’UIT en 1993 et en est devenue la directrice en 2019. Sa vision d’internet était très différente de celle de son concurrent, l’ancien vice-ministre russe des Télécommunications, Rashid Ismailov. Il veut connecter la majeure partie du monde à Internet et étendre l’accès au haut débit. A ce jour, 3,7 milliards de personnes ne sont pas connectées. Aussi, Doreen Bogdan-Martin souhaite appréhender les enjeux et complexités des technologies du futur, comme l’internet des objets, l’intelligence artificielle et le machine learning, afin d’en faire des outils utiles et maîtrisés.
Deux visions différentes de l’Internet
La vision présentée par Rashid Ismailov était moins internationaliste. L’ancien président du Conseil de l’IUT, et actuel patron de la société russe de télécommunications VimpelCom, se méfiait d’une trop grande expansion des technologies. S’il insiste sur les effets néfastes que celles-ci peuvent avoir sur l’homme, il est favorable à un développement plus mesuré. Il souhaitait avant tout que le monde numérique se débarrasse de la domination américaine et de ses entreprises, pour que chaque pays puisse « défendre sa souveraineté ». Une conviction qui s’inscrit dans la logique politique du Kremlin, mais aussi d’autres pays, comme l’Arabie saoudite ou le Pakistan, qui ne prennent pas la peine de couper l’accès à internet à leur population lors d’élections ou de troubles sociaux. Depuis 2011, Vladimir Poutine a déclaré son intention « d’établir un contrôle international sur Internet », en utilisant les capacités de surveillance et de supervision de l’UIT. Elle n’a pas voulu jouer sur la rivalité russo-américaine, malgré le contexte de la guerre en Ukraine et l’idée, autrefois envisagée, d’éviter une candidature russe, Doreen Bogdan-Martin a appelé à « mettre de côté les divisions dans l’intérêt de – tous les peuples ».
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Fondée en 1865 sous le nom d’Union télégraphique internationale, l’UIT a été rattachée aux Nations Unies en 1947. Sa vocation première était de gérer des réseaux télégraphiques internationaux, avant de la voir s’étendre considérablement avec le développement des moyens de communication : téléphone, radio, télévision, satellites, téléphones portables et Internet. Pour se définir, ce qu’on appelle aujourd’hui l’Union Internationale des Télécommunications utilise une formule qui a le pouvoir de la simplicité : « Chaque fois que vous passez un appel téléphonique via un téléphone mobile, accédez à Internet ou envoyez un e-mail, vous bénéficiez du travail de » UIT ».
En établissant des normes mondiales pour tous ces moyens de communication, cette organisation – composée de 193 États et de 900 acteurs universitaires ou organisationnels – se présente comme l’une des plus stratégiques à maîtriser. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, n’a pas caché l’importance de cette élection, estimant qu’elle constituait une « priorité pour les Etats-Unis ». L’actuel secrétaire général, China Houlin Zhao, achève cette année son deuxième mandat de quatre ans. Doreen Bogdan-Martin prendra donc la relève l’an prochain.