AFP, publié le mercredi 19 octobre 2022 à 13h27.
Après le succès d' »In Therapy », deux médias nationaux – France Inter et Le Monde – réactualisent la psychanalyse, malgré son caractère encore controversé, dans une version interactive.
« Dans la tête d’un ado », « la mélancolie » ou « le secret de Dolto » figurent parmi les sujets abordés par « L’Inconscient », la nouvelle émission dominicale de France Inter consacrée à la psychanalyse, 46 ans après avoir donné la parole à Françoise Dolto, pédiatre et sommité de la psychanalyse française.
Le programme d’une heure est animé par le psychiatre et psychanalyste franco-argentin Juan-David Nasio, 80 ans, ancien élève de Françoise Dolto et de Jacques Lacan, autre figure de cette discipline très codifiée et bien implantée chez de nombreux intellectuels.
Votre originalité ? Le format « podcast interactif » consiste à mettre en ligne, quelques semaines avant leur diffusion, les sujets des émissions à venir, sous forme de podcasts, afin que les auditeurs puissent réagir ou s’interroger sur les cas présentés par le médecin. Le jour de l’émission, le podcast est diffusé puis amplifié par les réponses du psychanalyste à certaines de ces questions.
« Parlant de sentiments humains » à travers les cas d’anciens malades anonymes, Juan-David Nasio explique à l’AFP qu’il veut « inciter l’auditeur à réfléchir et, surtout, à penser à lui-même ».
Mais les formats dédiés à la psychanalyse dans les médias font aussi grincer des dents. Pour le psychiatre et psychothérapeute Bernard Granger, « on est dans une forme de sollicitation et, surtout, de simplification ».
« Il ne faut pas donner aux gens des réponses illusoires », poursuit-il, prônant une approche « pluraliste » des questions relatives au psychisme et censurant la psychanalyse pour « un côté péremptoire ».
Cette émission « répond à une demande », a récemment répondu sa créatrice, la philosophe Adèle Van Reeth, la nouvelle directrice de France Inter, dans son antenne.
« L’incroyable succès » de la série « In Therapy » « a bien montré qu’après le confinement », dans une société en situation de « fragilité difficile à nommer, il y avait une envie et un besoin de questionner les tréfonds de l’âme ». , » dit-elle.
Si les nombreux téléchargements du podcast sont bien accueillis, l’émission a également suscité des critiques autour de la validité scientifique de la psychanalyse.
« La science n’est pas un critère d’évaluation de la qualité d’un énoncé quand il n’est pas proprement scientifique », a plaidé Adèle Van Reeth, interrogée par le médiateur de Radio France, rappelant le caractère « transgressif de naissance » de la psychanalyse.
Côté presse, Le Monde a lancé une chronique bimensuelle, « Le divan du monde », dans laquelle le psychanalyste Claude Halmos, qui a travaillé pendant 20 ans à franceinfo, répond aux questions des lecteurs « pour décrypter comment l’état du monde impacte notre vies intimes » et « offre des pistes pour mieux vivre ».
« On voulait faire parler une voix d’écoute, sans dogmatisme et qui surtout ne soit pas +solutionniste+ », c’est-à-dire « un problème, une solution », a déclaré à l’AFP Clara Georges, responsable du supplément hebdomadaire « L’Epoque ». .
« Nous sommes traversés par des émotions contradictoires, parfois difficiles à avouer, et la psychanalyse est le lieu où cette complexité peut s’exprimer », considère la journaliste.
Pour ses débuts, la chronique a reçu un « très grand nombre de réponses » – près de 300 – disant « pour la plupart, de façon extrêmement aiguë, quelques angoisses », alors qu' »étonnamment » une « très petite minorité de critiques » de la psychanalyse ont été émises, ajoute-t-il. Est-ce là-bas. .
« On aime ou on déteste la psychanalyse, mais elle ne laisse personne indifférent » et, si « elle est encore considérée comme +pseudoscience+, c’est parce qu’aujourd’hui les neurosciences prennent le pas sur la psychanalyse », estime pour sa part Marie-Christine Lipani , chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’Institut de journalisme Bordeaux-Aquitaine.
Outre les clivages entre méthodes thérapeutiques, le spécialiste des médias insiste sur le « rôle pédagogique » et éclairant des médias, notamment face à la vague des « nouvelles thérapies, coachs de bonheur et de bien-être aux injonctions les plus paradoxales ».