Et si votre business model vous empêchait d’innover ? La position des cabinets de conseil

Les cabinets de conseil aux entreprises ont été créés il y a près d’un siècle pour accompagner la croissance des entreprises en les accompagnant dans leur prise de décision. Leur cœur de métier est de concevoir des solutions pour aider leurs clients à transformer et améliorer leur performance opérationnelle. Les sociétés de conseil promeuvent également la capacité d’innovation des entreprises, à savoir « la capacité à transformer constamment les connaissances et les idées en nouveaux produits, processus et systèmes ». Mais les cabinets de conseil parviennent-ils à développer cette même capacité à innover au service de leur propre business ?

Cette question peut paraître surprenante au regard de la raison d’être des cabinets de conseil et de l’excellence qu’ils revendiquent. Cependant, force est de constater que les cabinets de conseil ont du mal à se réinventer et ont tendance à maintenir un modèle qui ne répond plus à certaines attentes de leurs parties prenantes.

Nous émettons à juste titre l’hypothèse que le modèle de réussite des cabinets de conseil représente paradoxalement un frein à leur capacité à innover. Leur rentabilité repose sur la standardisation d’approches qui ont fait leurs preuves auprès d’autres clients. Leur activité est donc l’adaptation des connaissances professionnelles aux besoins des clients sur la base de solutions préalablement testées. L’industrialisation de ce processus incite les cabinets de conseil à adopter des principes de performance et d’efficacité en rupture avec la logique d’innovation.

Peu de recherches ont été faites dans ce domaine, mais un examen rapide de ces principes soutient cette intuition. Par exemple, une forte rotation du personnel signifie privilégier les capacités et l’adaptabilité individuelles plutôt que l’intelligence collective. Le principe « up or out » conduit à un environnement hautement compétitif plutôt que collaboratif. Enfin, déplacer l’activité du consultant vers le client réduit le temps des échanges internes, notamment informels.

Sur la base de ces constats, nous avons recueilli les témoignages de plus de 40 consultants de tous grades travaillant dans des cabinets de conseil de toutes tailles. Sur la base de nos entretiens, nous décortiquons différentes caractéristiques du modèle économique des cabinets de conseil et expliquons comment elles peuvent fortement freiner l’innovation interne.

Un business model tourné vers la production  

Sur la base du modèle RCOV (voir encadré ci-dessous), nous avons formalisé le modèle économique des cabinets de conseil afin d’identifier ses caractéristiques les plus importantes et d’évaluer leur relation avec la capacité à innover.

Les ressources et les compétences des cabinets de conseil sont globalement représentées par les consultants. Bien que les politiques de recrutement changent, les consultants sont sélectionnés selon des critères bien précis. Ils sont issus des mêmes grandes écoles de management ou d’ingénieurs et possèdent toutes les compétences techniques et comportementales attendues. Cette homogénéité est nécessaire pour assurer la qualité des prestations, ainsi que pour faciliter la mobilité des consultants et identifier les talents qui évolueront dans la structure. D’autre part, il entrave considérablement la diversité et priorise la capacité d’innover au sein de l’organisation.

La structure organisationnelle des cabinets de conseil est pyramidale, généralement composée d’une large base de consultants, d’un groupe restreint de managers et d’une poignée d’associés. Cette structure implique un renversement important en bas de la pyramide, qui est institutionnalisé par la pratique du up or out : soit le consultant travaille bien et avance dans la structure, soit il la quitte. Cette pratique est un élément clé de la rentabilité des cabinets de conseil en concentrant les activités sur la production, en investissant dans un nombre réduit de consultants à haut potentiel et en favorisant la concurrence interne. Cependant, ces facteurs de rentabilité minent la capacité de l’entreprise à innover : délais courts, collaboration interne réduite, jeux politiques, etc. La délocalisation de l’activité du consultant vers le client renforce ces effets néfastes.

Les pratiques de gestion sont calibrées pour assurer la mise en place d’une structure pyramidale et le contrôle des consultants. Un autre élément fondamental de la rentabilité des cabinets de conseil est le taux d’utilisation des consultants. Tout d’abord, toutes les firmes de conseil cherchent à optimiser le taux d’utilisation des consultants, ce qui suggère une préférence pour les activités de production par rapport aux activités de recherche nécessaires à l’innovation. Le modèle de revenus renforce cet avantage de productivité des managers, car les cabinets de conseil facturent généralement les heures de travail. En cas d’activité fluctuante, les managers auront tendance à faire appel aux meilleurs talents, qui se consacreront donc à la production, sans hésiter à travailler au-delà des heures facturables. Par conséquent, la préférence donnée à l’utilisation des meilleurs talents à des fins productives décourage les pratiques d’innovation.

Ces pratiques soutiennent la proposition de valeur des cabinets de conseil, qui est également relativement standardisée. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les clients des cabinets de conseil attendent un « style de classicisme ». Si le service doit être de qualité (ce qui renforce la logique de concurrence interne), il doit être comparable aux concurrents, ne serait-ce que pour que son prix puisse être évalué et négocié. Aussi, le service doit correspondre aux perceptions et aux schémas mentaux des clients. Cette norme a un effet positif sur les autres composantes du business model, car elle permet d’optimiser la gestion des ressources, elles-mêmes standardisées. En revanche, il est peu probable qu’elle encourage la créativité et l’innovation au sein des équipes de consultants. Développer des services innovants comporte le risque d’hypothéquer d’importantes ressources et connaissances au détriment de la production, sans garantie de succès commercial.

Un business model qui inhibe l’innovation ?

L’analyse du business model des sociétés de conseil nous a permis d’identifier trois freins principaux au développement de leur capacité d’innovation : un déséquilibre entre les activités d’exploitation et d’exploration, un manque de relations sociales internes et une préférence pour les délais courts.

En effet, l’accent mis sur les heures facturables incite les entreprises à développer une culture de production au détriment d’une culture d’innovation. En optimisant le temps d’exploitation des meilleurs talents, les cabinets de conseil dévalorisent les activités de recherche (ex : études et recherches, activités de publication, missions pro-bono, etc.). Ensuite, la délocalisation des activités de production réduit les possibilités d’échanges formels et informels, catalyseurs du développement du lien social, ainsi que de la création d’innovations. Enfin, un manque de diversité, un climat de concurrence entre pairs et une focalisation sur les résultats placent les consultants dans une série d’échéanciers serrés, ce qui s’avère préjudiciable au développement des capacités d’innovation des cabinets de conseil. En ce sens, nos recherches montrent que pour l’industrie du conseil (ainsi que pour d’autres industries ayant des modèles d’affaires similaires), c’est le modèle d’affaires lui-même qui agit comme un inhibiteur de l’innovation interne. C’est pourquoi, dans la plupart des cas, les grands cabinets de conseil ne sont plus connus pour inventer de nouvelles pratiques managériales, mais pour mettre en place des pratiques « à la mode », éprouvées et sans risques.

Notre analyse ouvre des pistes de réflexion passionnantes pour la recherche et, surtout, pour la pratique. Premièrement, il souligne l’importance d’évaluer les modèles d’affaires par rapport à d’autres variables pertinentes pour leur durabilité, telles que la capacité à innover. Notre exemple montre que ces évaluations peuvent questionner des pratiques sectorielles, et parfois de manière utile, lorsque celles-ci ne correspondent plus aux souhaits d’acteurs comme les jeunes diplômés. Ensuite, nos recherches mettent en évidence la dualité des modèles lorsqu’ils s’avèrent exceptionnels pour assurer la performance financière et commerciale d’une entreprise, mais fragiles pour développer des relais de croissance pérennes. Avec cette dualité, les managers doivent être attentifs à anticiper la menace de nouveaux entrants potentiels sur le marché susceptibles de proposer des conceptions disruptives.

Enfin, nous invitons les managers et les chercheurs à réfléchir à des business models innovants qui pourraient recouvrir une multitude d’enjeux, parfois contradictoires, tant cela s’avère de plus en plus crucial du fait de l’importance des enjeux sociaux et environnementaux. Une telle démarche suppose la déconstruction de certaines croyances des dirigeants et managers afin de prendre conscience de ce qui peut être paradoxal dans la construction de la performance.

L’article a été rédigé en collaboration avec Fernando ARREOLA, Doyen de la Faculté de l’ISC Paris.

<<< Lire aussi : L’abonnement, un business model pour un monde plus durable ? >>>

Quel cabinet de conseil paye le mieux ?

Le cabinet de conseil occupe la première place de ce classement basé sur des commentaires anonymes postés entre avril 2021 et mars 2022 sur un site internet permettant de noter son employeur. Le Boston Consulting Group propose aux jeunes qui rejoignent l’entreprise un salaire de base moyen de 53 000 €.

Quels Big Four sont les mieux payés ? Top Big Four par : Chiffre d’affaires (revenu) : En termes de chiffre d’affaires, Deloitte et PwC sont vraiment en tête chaque année.

Quel cabinet de conseil choisir ?

RangCompagnienote de bas de page
1McKinsey & Compagnie3 527
2Groupe de conseil de Boston (BCG)3 494
3Bain & Compagnie3 159
4Deloitte3 056

Quelles entreprises paient le mieux ?

C’est le Boston Consulting Group (BCG) qui propose le salaire de base moyen le plus élevé (53 000 € brut par an). À la deuxième place se trouve Google avec 48 000 euros au début de sa carrière, et à la troisième place se trouve Sia Partners (43 000 euros).

Comment intégrer le BCG ?

Le BCG recrute de nouveaux consultants et stagiaires tout au long de l’année. Les entretiens ont généralement lieu de septembre à juillet. Pour postuler, il suffit de déposer une candidature sur le portail dédié.

Quelle école pour le BCG ? Entre 10 et 15 étudiants de l’X rejoignent le BCG chaque année, et la communauté des alumni de l’école est l’une des plus importantes de notre bureau parisien.

Comment rentrer chez McKinsey ?

Le processus de recrutement des consultants consiste en plusieurs entretiens, généralement deux ou trois d’affilée. Chaque entretien se compose de trois étapes : un dialogue sur votre parcours professionnel et vos motivations, puis une étude de cas et enfin un moment dédié à vos questions.

Comment entrer dans un cabinet de conseil ?

Pour leur emploi, les entreprises se tourneront vers des écoles spécialisées et reconnues (notamment l’ENSAI pour les data scientists). Si le besoin d’expertise n’est pas assuré par une formation académique, ces profils seront embauchés dans des entreprises spécialisées après quelques années d’expérience.

Comment rentrer chez McKinsey ?

Le processus de recrutement des consultants consiste en plusieurs entretiens, généralement deux ou trois d’affilée. Chaque entretien se compose de trois étapes : un dialogue sur votre parcours professionnel et vos motivations, puis une étude de cas et enfin un moment dédié à vos questions.

Quelle école pour McKinsey ? Le conseil stratégique de l’Ecole Polytechnique – en particulier BCG et McKinsey – attire la plupart des consultants en herbe. D’autres écoles polytechniques intéressées par le conseil se tournent vers des sociétés à l’expertise technologique (Wavestone et Polyconseil) ou financière (Big Four et Accuracy).

Comment entrer dans un cabinet de conseil ?

Pour leur emploi, les entreprises se tourneront vers des écoles spécialisées et reconnues (notamment l’ENSAI pour les data scientists). Si le besoin d’expertise n’est pas assuré par une formation académique, ces profils seront embauchés dans des entreprises spécialisées après quelques années d’expérience.

Qui dirige McKinsey en France ?

McKinsey & Compagnie
DirectionBob Sternfels
activitéCabinet de conseil en management général
Des produitsConseil stratégique
Efficace33000 (2020)

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