« A Dieu ne plaise, nous verrons jusqu’à quel niveau nous pouvons élever les relations entre la Turquie et l’Arabie saoudite », a déclaré vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan, confirmant la venue à Ankara de MBS, le dirigeant de facto du Royaume d’Arabie saoudite.
Le premier acte de réconciliation a eu lieu fin avril : le président Erdogan s’est rendu en Arabie saoudite, où il a discuté avec l’héritier du trône des moyens de « développer » les relations entre les deux pays.
Trois semaines plus tôt, la justice turque avait décidé de clore le procès sur l’assassinat de Jamal Khashoggi, chroniqueur du Washington Post tué et démembré en octobre 2018 au consulat saoudien d’Istanbul alors qu’il venait chercher les documents nécessaires pour épouser une épouse turque.
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Ankara a renvoyé un document encombrant aux autorités saoudiennes, ouvrant la voie à un rapprochement avec Riyad.
L’acte 2 aura lieu mercredi : MBS sera reçu par M. Erdogan à Ankara à l’issue d’une tournée régionale qui a débuté lundi en Egypte.
Le programme n’est pas encore connu, mais plusieurs accords devraient être signés, a indiqué à l’AFP un haut responsable turc.
« Il s’agit de l’une des visites les plus importantes à Ankara depuis près d’une décennie », a déclaré Soner Cagaptay du Washington Institute for Middle East Policy.
Il rappelle que la querelle entre Riyad et Ankara remonte à 2013, lorsque le président Erdogan a soutenu le président égyptien déchu Mohamed Morsi des Frères musulmans, favori de l’Arabie saoudite, contre le maréchal al-Sissi.
Un blocus de trois ans imposé par l’Arabie saoudite en 2017 au Qatar, allié de la Turquie, et l’affaire Khashoggi l’année suivante, ont mis fin à l’empoisonnement des relations entre Ankara et Riyad.
A l’époque, le président turc avait accusé « les plus hauts niveaux du gouvernement saoudien » d’avoir ordonné l’assassinat.
Mais moins d’un an après l’élection présidentielle de mi-juin 2023, et alors que l’inflation ravage le pouvoir d’achat des Turcs, le président Erdogan multiplie les initiatives pour normaliser les relations avec plusieurs puissances régionales – l’Arabie saoudite, ainsi qu’Israël et les États-Unis. les Émirats arabes unis.
« Erdogan a quelque peu ravalé sa fierté. Il n’a qu’une idée en tête : gagner les prochaines élections », a déclaré le juge Soner Cagaptay.
Après deux décennies à la tête de l’Etat turc, M. Erdogan fait face à une forte baisse de la livre turque (-44% face au dollar en 2021 et -23% depuis le 1er janvier) et à une inflation, qui a atteint 73,5% par an en mai. Selon les enquêtes d’opinion, sa réélection est incertaine.
« Vous avez renvoyé [le dossier de Khashoggi] en Arabie saoudite pour de l’argent en tant que mendiant », a déclaré mardi le chef du principal parti d’opposition turc, Kemal Kilicdaroglu.
– « Contre l’influence de l’Iran » –
Pour MBS, cette visite marque la fin de l’exil des Occidentaux : le président américain Joe Biden, qui se rendra au Moyen-Orient pour la première fois depuis son arrivée à la Maison Blanche mi-juillet, a prévu un déménagement en Arabie saoudite. Saoudite pour y rencontrer l’héritier du trône.
« Pour l’Arabie saoudite, l’une des principales motivations est de créer un front sunnite qui inclura la Turquie pour contrer l’influence iranienne dans la région », analyse Gönül Tol, directeur du programme pour la Turquie au Middle East Institute de Washington.
Mais pour elle, « cette convergence ne permettra pas de résoudre les grands problèmes économiques de la Turquie ».
« De plus, MBS n’oubliera pas facilement l’attitude de la Turquie lors de l’affaire Khashoggi », poursuit le chercheur.
« A l’époque, le MBS essayait de promouvoir une image réformiste dans le pays et sur la scène internationale. Cependant, la Turquie a sérieusement porté atteinte à cette image en révélant l’affaire Khashoggi. »
Opinions
Chronique de Christian Gollier
Christian Gollier, Ecole d’économie de Toulouse