AFP, publié le vendredi 14 octobre 2022 sur 21.20.
Deux frères ont été condamnés à 40 ans de prison chacun à La Valette vendredi pour le meurtre en 2017 de la journaliste anti-corruption maltaise Daphne Caruana Galizia.
George et Alfred Degiorgio, qui ont plaidé coupable le premier jour de leur procès, ont été reconnus coupables d’avoir fabriqué, posé et fait exploser la bombe qui a tué la journaliste de 53 ans dans sa voiture.
« Le verdict d’aujourd’hui est une autre étape importante pour rendre justice à la famille Caruana Galizia », a immédiatement réagi le Premier ministre maltais Robert Abela sur Twitter.
La mort du blogueur le 16 octobre 2017 avait ébranlé le plus petit État de l’UE et horrifié ses voisins.
« Trois personnes ont maintenant été reconnues coupables de ce meurtre et trois autres attendent leur procès. Nous restons déterminés à ce que justice soit rendue pour la famille et pour Malte », a ajouté Abela.
Un troisième homme impliqué dans ce meurtre, Vincent Muscat, avait en effet été condamné à 15 ans de prison l’an dernier.
En revanche, le riche homme d’affaires soupçonné d’avoir commandité le meurtre, Yorgen Fenech, qui nie toute implication, n’a pas encore été poursuivi.
La mort de Daphné Caruana Galizia a provoqué un scandale dans le pays, qui a notamment entraîné la démission du Premier ministre Joseph Muscat en janvier 2020, accusé d’avoir tenté d’étouffer ses amis et alliés politiques éclaboussés par ce meurtre.
Selon une enquête publique dont les résultats ont été publiés en 2021, l’Etat maltais porte une part de responsabilité dans le meurtre de la journaliste, notamment pour avoir créé un « climat d’impunité » pour ceux qui voulaient la faire taire.
Le journaliste qui, dans son blog Running Commentary, dénonçait la corruption endémique dans ce petit archipel méditerranéen, a été tué près de chez lui quelques heures seulement après avoir posté ce message : « Il y a des corrompus partout. La situation est désespérée ».
Dans un communiqué diffusé par ses services, Robert Abela a promis que son « gouvernement continuera à mettre en œuvre d’importantes réformes pour renforcer les principes de l’État de droit et de la démocratie à Malte », une ancienne colonie britannique qui a rejoint l’UE en 2004.
Plusieurs représentants d’associations de défense de la liberté de la presse étaient présents vendredi au procès, notamment Reporters sans frontières (RSF) et le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias.
Dans un communiqué, RSF a salué le verdict tout en « soulignant la nécessité que toutes les personnes impliquées dans ce meurtre soient traduites en justice ».
« Trop de cas de journalistes assassinés sont restés impunis, mais lorsque justice sera rendue, cela enverra un signal clair que de tels crimes violents contre des journalistes ne seront pas tolérés. Nous continuerons à suivre toutes les procédures judiciaires dans cette affaire », a promis le directeur de opérations et campagnes de RSF, Rebecca Vincent, citée dans le communiqué.
Ce processus tourbillonnant a été caractérisé par une torsion. Alors que les deux hommes avaient initialement plaidé non coupable, leur avocat a annoncé leur plaidoyer de culpabilité dans l’après-midi : « Ils plaident coupables », a annoncé Simon Micallef Stafrace, permettant un verdict rapide.
George Degiorgio avait déjà avoué le meurtre pour la première fois lors d’un interrogatoire en juillet, le qualifiant de « juste affaire ».
L’an dernier, les deux frères se disaient prêts à mettre en cause un ancien ministre en échange d’une grâce, qui leur a finalement été refusée.