La BBC fête ses 100 ans et s’interroge sur son avenir

AFP, publié le vendredi 14 octobre 2022 à 12h11.

A l’automne 1922, une voix nasillarde crépite sur plusieurs milliers de radios : c’est la naissance de la BBC, devenue un géant mondial des médias. Mais le « Beeb », plongé dans un plan de rigueur drastique, fête son centenaire en pleine interrogation sur son avenir.

En Grande-Bretagne, la BBC occupe une place particulière dans les médias. « La BBC, c’est nous ! » s’exclame Jean Seaton, professeur d’histoire des médias à l’Université de Westminster. « C’est l’expression de notre sens de l’humour, de nos intérêts, de nos valeurs ». Il n’appartient « ni au gouvernement ni à une entreprise privée : il nous appartient ». « Nous » étant les Britanniques.

Pour près de 7 millions de personnes, la journée commence sur Radio 4, avec l’influente émission d’information « Today ». Le week-end, le plus commenté dans le paysage audiovisuel est l’émission « Strictly come to dance », un concours de danse populaire depuis près de 20 ans.

David Attenborough, à l’écran depuis les années 1950, a fait découvrir le monde à des centaines de millions de téléspectateurs. Quant aux séries de la BBC, comme Peaky Blinders, Fleabag ou Killing Eve, elles s’exportent dans le monde entier.

Car l’influence de la BBC dépasse largement les frontières de son pays natal. Il atteint une audience mondiale de 492 millions de personnes par semaine, selon le rapport 2021-2022 du groupe de radiodiffusion publique. Le prestigieux BBC World Service diffuse dans une quarantaine de langues. C’est un outil important du « soft power » britannique.

Depuis un siècle, le groupe reste attaché à sa triple mission originelle : « Informer, éduquer, divertir ». « Ces valeurs sous-tendent tout ce que nous faisons », déclare James Stirling, directeur de l’anniversaire de la BBC.

Un autre mot apparaît en permanence : l’impartialité, érigée en « priorité » par les dirigeants du groupe, alors que la BBC subit les critiques récurrentes du pouvoir conservateur.

Le gouvernement a accusé la BBC de couvrir le Brexit avec un parti pris contre la sortie de l’Union européenne.

Il lui reproche plus généralement d’être centré sur les préoccupations des élites urbaines plutôt que sur les classes populaires. Attaques tirées des tabloïds, toujours prompts à attaquer la BBC.

Le gouvernement de Boris Johnson a gelé la redevance (159 livres, soit 181 euros par an) en janvier pour deux ans : un coup dur car l’inflation approche les 10 % dans le pays. Il a également évoqué sa possible destitution, une menace controversée même dans les rangs conservateurs.

Sous pression budgétaire, le groupe a annoncé en mai un plan d’économies de 500 millions de livres par an (586 millions d’euros). Environ 1 000 emplois (sur un total d’environ 22 000 employés) sont supprimés ; les canaux sont fusionnés et d’autres deviennent exclusivement en ligne.

Ce contexte financier difficile s’accompagne d’un exode du public vers les plateformes, notamment des jeunes, qui s’interrogent donc sur le sens de la redevance.

Mais de nouveaux formats ont vu le jour, avec succès. Le journaliste Ros Atkins est devenu l’un des visages de l’innovation dans le groupe, avec ses « explainers » : des vidéos qui couvrent en quelques minutes un sujet brûlant avec analyse, fact-checking, mise en contexte.

Elles sont diffusées sur les réseaux sociaux, atteignant des millions de vues dans le monde, sur le site de la BBC, à la télévision.

« Des millions de personnes suivent encore les informations sur la BBC. Mais des millions d’autres obtiennent leurs informations sur Twitter, Instagram, TikTok », a-t-il déclaré à l’AFP. C’est surtout à ces derniers qu’il s’adresse. « Notre audience montre que ce type de journalisme a une audience. »

Ros Atkins, qui a rejoint la BBC en 2001, est bien conscient des difficultés du groupe. « Cela aura un impact sur tous ceux qui travaillent ici. » Mais « la fierté d’être journaliste de la BBC » reste intacte pour lui et il a toujours le sentiment de travailler « pour la meilleure organisation médiatique du monde ».

Le présentateur vedette de « Today » Nick Robinson s’interroge sur l’avenir de la BBC. « Si la génération de mes enfants arrive à la conclusion qu’ils n’ont pas besoin (de la BBC), qu’ils peuvent avoir tout ce qu’ils veulent sur YouTube, Sky (la chaîne privée SkyNews, ndlr), Netflix, alors nous avons terminé », a-t-il déclaré. , cité dans The Telegraph.

« Mais nous méritons d’être foutus si nous ne parvenons pas à prouver notre valeur ajoutée aux gens », a-t-il ajouté.

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