La DSA, un tournant dans la relation entre les GAFAM et l’Europe

Face aux GAFAM, l’Europe montre – enfin – ses muscles. Les 27 pays de l’Union se donnent les moyens d’éradiquer les contenus illicites et les incitations à la haine du web avec un texte législatif qui entrera en vigueur en 2024, le DSA, pour le « Digital Services Act ». Ce règlement de l’UE sur les services numériques vise à mieux faire appliquer les lois européennes via les plateformes web. Son intention avec une phrase ? « Tout ce qui est interdit hors ligne doit être interdit en ligne », selon la formule de Thierry Breton, commissaire européen chargé du Marché unique.

« Le DSA redéfinit le lien entre les Etats et Internet dans sa globalité »

Facebook, Twitter, Instagram ou encore TikTok, les réseaux sociaux sont forcément dans la ligne de mire. Mais pas seulement. DSA vise également à nettoyer Google et les moteurs de recherche ou les marchés numériques comme Amazon. « Le DSA redéfinit la connexion entre les États et Internet dans son ensemble, commente Leïla Mörch, responsable du programme Europe à l’Institut McCourt. Il permet de territorialiser les enjeux liés au numérique en les plaçant sous le contrôle des États » (voir aussi l’encadré dessous). Ce texte était devenu impératif : il met à jour la directive européenne sur le e-commerce de… 2004, autrement dit avant l’avènement des réseaux sociaux !

L’attente a été longue, mais le coup est fort, selon les observateurs. « C’est encore un tournant dans l’histoire des relations entre États et plateformes », estime Romain Badouard, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 2 Panthéon-Assas. Les géants du numérique en sont bien conscients : ils ont compris que les règles du jeu avaient changé et qu’il fallait se plier aux nouvelles normes. « On entend souvent dire que les plateformes sont plus fortes que les États. Mais il faut se rappeler que le marché européen représente un sujet très important pour les géants américains : il rapporte beaucoup d’argent ! Que ce soit Twitter, Facebook, Google, s’ils ne veulent pas se voir infliger des amendes record et continuer à faire beaucoup d’argent aux utilisateurs européens via le marché publicitaire, ils seront obligés de respecter les règles », poursuit l’expert. (L’hypothèse que l’Europe coupe l’accès à son territoire aux une plate-forme contrefaisante est techniquement concevable – c’est ce que font les pays autoritaires – mais ne semble pas probable. La menace la plus crédible est en fait des amendes record, les contrevenants aux règles de la DSA encourant potentiellement des « pénalités » allant jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial).

Des observateurs extérieurs pour auditer les plateformes, une mesure phare du DSA

La mesure phare : Avec le DSA, tous les acteurs du numérique doivent mettre en place des règles de modération et avec des obligations de transparence. « C’est-à-dire qu’ils devront publier des rapports pour expliquer comment cela a été introduit – quels moyens humains, quels outils logiciels… – et qui prouvent que les droits des utilisateurs sont respectés », poursuit Romain Badouard (certains réseaux). publiant déjà des rapports de transparence qui montrent souvent les lacunes d’un système centré sur l’automatisation de la gestion des commentaires, souvent via l’intelligence artificielle). Même Twitter, où le nouveau patron Elon Musk joue aux flibustiers en envoyant les règles de modération sur les moulins, devra respecter les règles. Avec un tel profil, on se demande invariablement : l’Europe ne pourra pas faire confiance les yeux fermés. Par conséquent, des observateurs externes feront un inventaire une fois par an. « Ces audits, qui sont prévus par la DSA, ne seront pas réalisés en intra-muros, mais réalisés par des entités indépendantes qui sont mandatées pour faire effectivement ce rapport annuel sur l’état de la modération », explique Leïla Mörch. Des travaux qui seront également financés par les plateformes elles-mêmes.

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Tout n’est pas encore clair : l’Europe pourra-t-elle réellement compter sur des entreprises capables de nettoyer les serveurs de Facebook, Instagram ou Google ? « La question des moyens est l’un des enjeux. Il faudra s’assurer que les personnes chargées de faire ces signalements puissent même comprendre ce qu’elles doivent vérifier », précise Leïla Mörch. On peut aussi se demander dans quelle mesure les plateformes vont jouer le jeu de la transparence. S’il est hors de question pour eux d’ouvrir leurs algorithmes, autant demander à Coca la recette de leur soda ! – l’ouverture de leurs données aux chercheurs est « un vrai point de blocage », estime Leïla Mörch.

En effet, l’article 31 du DSA stipule que les plateformes doivent ouvrir l’accès aux chercheurs « agréés ». « La question est déjà de savoir qui va donner ces amalgames à ces chercheurs », poursuit le spécialiste. De plus, toutes les données ne seront pas disponibles. « Parce que l’article 31 ne dit pas : ‘ouvrir les données aux chercheurs, point final’, mais il s’engage à coopérer avec les chercheurs ‘utiliser les données à des fins de recherche uniquement sur les risques systémiques tels que définis à l’article 26’. Une subtilité sémantique, comme une erreur cela pourrait permettre à Facebook, Google et consorts de ne donner aux observateurs que ce qu’ils ont envie de leur donner…

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Qui est concerné par le DSA ?

Les réseaux sociaux n’ont pas attendu DSA pour avoir plus de standards de publication. Le premier s’applique partout et à tout le monde. La seconde est une façon d’accepter déjà les règles d’un territoire. Le Facebook allemand n’est donc pas tout à fait le même que le Facebook français. « En Allemagne, il y a une loi qui encadre les réseaux sociaux qui s’appelle NetzDG. Elle comprend une dizaine d’incriminations supplémentaires de publications, selon des règles liées à l’histoire du pays. Le lien lié au IIIe Reich est interdit sur Facebook en Allemagne », explique Romain Badouard. En France, la loi sur les fake news permet de signaler une information sur une fake news et de demander sa suppression.

La loi sur les marchés numériques (DMA) et la loi sur les services numériques (DSA) prévoient de limiter la domination économique des grandes plateformes et la distribution en ligne de contenus et de produits illégaux. Ils s’appliquent à partir de 2023.

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