« Loot boxes » dans les jeux vidéo : où en est leur réglementation en France ?

Depuis 2017, ces sacs surprises virtuels sont régulièrement accusés de jouer à des jeux cachés et donc d’être dangereux pour les jeunes joueurs. Comment la législation française a-t-elle évolué cinq ans plus tard ?

Début juin, l’UFC-Que Choisir, un groupe de protection des consommateurs, et 19 de ses homologues européens ont mis en garde contre les dangers des « loot boxes », des boîtes pouvant être achetées en ligne dans les jeux vidéo. Ils dénoncent le procédé, qui incite à dépenser « des sommes importantes en exploitant la vulnérabilité de son jeune public », notamment à travers « un marketing agressif » et « de nombreux biais cognitifs ». Selon eux, les mineurs représentent un public fragile qui est susceptible d’avoir développé une addiction au gain et qui n’a aucune idée de la somme d’argent précise dépensée dans le jeu.

L’option de calendrier Diablo Immortal, qui a été lancée gratuitement sur mobile et PC le 2 juin, a depuis attiré l’ire des joueurs. Question : Les achats intégrés dont le jeu est rempli augmentent vos chances d’obtenir les meilleures armes du jeu lorsque vous éliminez vos adversaires. Mais l’investissement n’est pas garanti, car les objets apparaissent au hasard. Le vidéaste Bellular a calculé que pour optimiser le personnage au maximum, il fallait débourser environ 110 000 dollars pour le jeu.

Interdiction en Belgique et aux Pays-Bas

Les joueurs se plaignent depuis quelques années de ce système qui incite à dépenser sans résultat. En 2020, deux avocats français ont poursuivi l’éditeur de la FIFA, Electronic Arts. Le jeu vous permet d’acheter des packs contenant des cartes de joueurs de football aléatoires pour créer votre propre équipe et ainsi affronter d’autres joueurs. Entre autres, les avocats dénoncent la « loterie interdite » accessible aux mineurs et les « pratiques commerciales trompeuses ».

En Belgique et aux Pays-Bas, la vente de loot boxes est interdite depuis 2018 pour protéger le consommateur et, notamment, la « santé mentale des enfants ». En France, la question a peu avancé. En 2017, Charles Coppolani, ancien président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Online Gambling Regulatory Authority), s’inquiétait de risques « très proches de ceux de l’addiction au jeu », mais non. des mesures ont été prises depuis Car trois critères doivent être réunis pour être qualifié de jeu de hasard, rappelle ANJ, citant le code de la sécurité intérieure : sacrifice financier (achat d’un boîtier), offre au public (les boîtiers sont librement accessibles), et attente de bénéfice. Mais ce dernier point n’est pas rempli.

« Le bénéfice doit avoir une valeur patrimoniale, c’est-à-dire qu’il va vous enrichir », explique le directeur juridique de l’ANJ au Monde Frédéric Guerchoun. Si, par exemple, la somme gagnée au casino peut servir à offrir une nouvelle voiture, grâce à des vêtements et des objets virtuels, il n’est pas (encore) possible de le faire. La plateforme de jeux vidéo en ligne Steam permet aux joueurs de revendre les objets gagnés dans leurs loot boxes à d’autres utilisateurs via son marché intérieur, mais l’argent reçu ne peut pas être transféré sur un compte bancaire et ne permet pas les achats effectués uniquement sur la plateforme, comme un jeu vidéo.

Faut-il donc changer la loi ? Pas forcément, selon l’ANJ, qui précise que les loot boxes ne sont pas dans l’esprit des jeux de hasard, qui se jouent « avec l’idée de s’enrichir ». Mais aussi parce que « le droit de la consommation est déjà riche d’instruments juridiques ou de moyens pour répondre aux principales préoccupations que nous observons ».

« Probabilités de gains trompeuses »

Le Code de la consommation considère donc comme trompeuse pour une entreprise de fausser « les caractéristiques essentielles d’un bien ou d’un service », notamment « les caractéristiques et les résultats attendus de son utilisation ». Et c’est à ce stade que les accusations de l’UFC-Que Choisir, qui dénoncent les « chances trompeuses de victoire », touchent. Lorsque la Chine a obligé les éditeurs à les afficher clairement en 2017, de nombreux titres se sont alignés. Mais ces chiffres restent flous, car la FIFA, qui pour certains packs proposés, se contente de lever « moins de 1% » de chances d’obtenir le meilleur. Cependant, les chances de gagner le jackpot sont très différentes selon qu’elles sont de 0,9 % ou de 0,001 %.

Interrogé par le sénateur Les Républicains Arnaud Bazin en 2019, le ministère de l’Économie et des Finances admet que les loot boxes « posent la question de l’information des consommateurs », notamment parce que « le prix affiché au moment de l’acquisition initiale du jeu est alors très éloigné du coût que le joueur supportera finalement ». Pour autant, selon Bercy, il n’y a pas lieu de légiférer davantage sur les textes actuels, qui permettent à la DG Concurrence, Consommation et Répression des fraudes de « sanctionner (…) les manquements qui pourraient être détectés lors de contrôles aléatoires sur le marché ». La raison pour laquelle il semble que rien n’a vraiment changé depuis, c’est que le débat refait surface aujourd’hui avec des craintes similaires à celles de 2017.

Les éditeurs, quant à eux, privilégient l’autorégulation, telle qu’utilisée dans le PEGI, la classification européenne qui indique l’âge minimum recommandé pour les jeux vidéo. En 2020, un avis est apparu sur la couverture indiquant « Achats intégrés : contient du contenu aléatoire ». Juste pour info, cela n’empêche pas les mineurs d’y accéder. Les éditeurs de jeux flirtent avec les frontières d’un cadre juridique trouble, et pour cause : grâce aux loot boxes, ils ont engrangé plus de 15 milliards de dollars (14,25 milliards d’euros) en 2020, soit environ 10 % de leur chiffre d’affaires, selon le cabinet d’études Recherche sur le genévrier.

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