OL, Etoile Rouge, Valenciennes, Nancy, Saint-Etienne. On ne compte plus les clubs français qui viennent d’intégrer un modèle multiclub ou devraient le faire via de nouveaux investisseurs, souvent américains, qui ont déjà des participations dans des clubs étrangers, notamment anglais. Phénomène inquiétant ou aubaine pour le football français ? Commentaire avec Tim Keech, co-fondateur de MRKT Insights, un cabinet de conseil en football impliqué dans le rachat de clubs européens par des investisseurs américains.
Interview de Gaétan Mathieu
jeudi 7 juillet
La principale raison pour laquelle le système multi-clubs est devenu si populaire ces dernières années est liée au fait que les clubs anglais sont dans une impasse sans les ressources du Big 6. Vos meilleurs jeunes vont très tôt à Manchester City, Chelsea ou Liverpool, puis se font prêter et, pour la plupart, ne jouent jamais professionnellement dans ces grands clubs. West Ham ou Everton doivent alors acheter ces joueurs, leurs joueurs, cher, pour 15-20 millions d’euros. En revanche, s’ils avaient un club partenaire en France ou au Portugal, ils pourraient y prêter leurs jeunes avec la promesse de leur faire jouer dans un championnat étranger et donc de les garder. Avoir un club satellite est un moyen de créer un pool de joueurs. Le Brexit a également accéléré l’intérêt pour ce modèle, car avec le nouveau permis de travail à points, il est très difficile pour les clubs anglais de recruter un joueur européen de plus de 21 ans, notamment en championnat. Le système multi-clubs est la réponse idéale à cela. Vous pouvez signer un joueur dans un club partenaire de l’Union européenne pendant qu’il gagne de l’expérience et donc des points, avant de le signer en Angleterre, sans trop dépenser d’argent et sans craindre que son permis de travail ne soit refusé.
« Avec un bon actionnaire, on peut faire de Saint-Étienne un club qui joue régulièrement en Ligue des champions, là où en Angleterre cela n’est possible qu’en rachetant des clubs très chers qui jouent déjà dans les places européennes. »
Alors, les clubs français ont-ils vocation à devenir des clubs satellites de Premier League et de Championship ?Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a beaucoup de discussions qui vont dans ce sens et tous les clubs anglais se penchent actuellement sur ce modèle et optent pour la France, le Portugal et la Belgique intéressés. . Ce système multi-clubs existe déjà dans une certaine mesure en France : Metz avec Seraing en Belgique et avec Generation Foot Academy, Marseille avec Diambars au Sénégal. Sauf qu’avec les nouveaux modèles lancés, les clubs français ne seront plus forcément en haut de l’échelle. Cependant, toutes les stratégies multi-clubs ne se valent pas. Il y a le City Group avec un club dominant et des clubs satellites, Red Bull avec des clubs qui partagent toutes leurs informations de scoutisme, échangent des joueurs et du staff et ont les mêmes méthodes d’entraînement et style de jeu, et puis vous avez un modèle qui ressemble plus à John Textor . Il investit dans des clubs stables avec un bon modèle économique comme Lyon sans forcément être majoritaire car il estime que le football est une industrie sous-valorisée et que les clubs peuvent prendre de la valeur.
Pourquoi la France attire-t-elle autant les investisseurs, notamment américains qui tentent de construire un système multiclubs ?D’abord parce que le coût d’achat des clubs est assez faible, autour de 15-20 millions d’euros pour un club de ligue 2. Et qu’avec un bon actionnaire vous peut faire de Saint-Étienne un club qui joue régulièrement en Ligue des champions, là où en Angleterre cela n’est possible qu’en rachetant des clubs très chers qui jouent déjà dans des places européennes. Ensuite parce que la France a une réserve de talents incroyable et un système de formation efficace. Découvrez Toulouse, où Red Bird a investi. En deux ans, ils ont presque remboursé le coût d’achat du club grâce à la vente de joueurs. En France, les internationaux des moins de 16 ans, des moins de 17 ans ou des moins de 19 ans sont répartis dans tous les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, alors qu’en Angleterre, ils appartiennent à la quasi-totalité des cinq ou six clubs. La France a également un lien unique avec les jeunes talents africains, tout comme le Portugal avec l’Amérique du Sud. Après tout, les Américains regardent les clubs français et pensent qu’ils sont sous-évalués et pourraient facilement faire beaucoup plus de profit.
« Les Américains pensent que le football européen ne fait pas assez de profit par rapport à sa présence médiatique. Il n’y a pas d’autre industrie où vous pouvez avoir 20 pages sur votre entreprise dans le journal local chaque jour. »
Qu’est-ce qui fait que les investisseurs américains pensent qu’il y a de l’argent dans le football français ?Ils pensent généralement que le football européen ne rapporte pas assez d’argent par rapport à ses médias. Il n’y a pas d’autre industrie où vous pouvez avoir vingt pages sur votre entreprise dans les journaux locaux chaque jour. Marketing, partenariats, naming et utilisation des stades, ventes de maillots, branding des clubs, tout pourrait être beaucoup mieux exploité financièrement selon eux. Et à mesure que de nouveaux clubs sont acquis et développés, les droits TV peuvent augmenter. Tout cela en ayant des fans qui sont aussi des clients qui, nous en sommes sûrs, resteront fidèles de 7 à 77 ans.
La recrudescence de la violence dans les stades, les menaces contre les dirigeants pourraient-elles dissuader certains investisseurs américains ?On pourrait le penser, mais les investisseurs se disent qu’en respectant la culture du club et en traitant intelligemment les supporters, ils minimisent les risques. Surtout du point de vue quelque peu cynique de l’investisseur, une telle passion, un tel impact, également pour le club, fait de ces supporters des clients très fidèles et peut donc être positif d’un point de vue économique si on ne les aliène pas.
Comment expliquez-vous les rumeurs persistantes de vente de certains clubs, Saint-Étienne, Nantes, Marseille, sans vente au final ?Il faut savoir que tous les clubs du monde ont un dossier d’investissement de 10 pages qui explique pourquoi ce club est acheté devrait et quel serait le prix. Et beaucoup d’intermédiaires l’utilisent pour trouver un acquéreur dans l’espoir d’obtenir une commission de 5% si la vente se concrétise alors qu’ils n’ont pas de mandat. Je sais qu’il y a eu au moins une vingtaine d’offres de vente pour Saint-Étienne par l’intermédiaire d’intermédiaires qui ont promis à l’acquéreur potentiel qu’il serait mandaté. Sauf que les acheteurs n’offraient peut-être que 50% de la valeur du club et que les dirigeants actuels ne savaient même pas que quelqu’un essayait de vendre leur club dans leur dos.