L’idée d’une taxe carbone n’est pas nouvelle, mais elle est encore relativement peu utilisée tant dans l’économie en général qu’au sein des entreprises. Pourtant, certains spécialistes y voient une formidable arme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : en collaboration avec le MIT, l’organisation Climate Interactive a créé une simulation climatique baptisée EN-ROADS, qui permet d’activer virtuellement divers leviers pour contrôler la hausse de la température. Il s’avère que le levier le plus efficace est un prix du carbone (très) élevé. Alors, à quoi pourrait ressembler une taxe carbone sur les voyages d’affaires ?
Pourquoi une taxe carbone ?
Comme l’écrit le climatologue de la NASA Peter Kalmus : « Le réchauffement climatique est un échec de l’économie de marché. Les énergies fossiles créent des surcoûts pour la société (réchauffement climatique, maladies respiratoires, etc.) qui ne sont pas inclus dans le prix du carburant. Plus généralement, les externalités négatives ne sont jamais prises en compte dans le prix des biens ou dans le calcul du PIB. La déforestation, la combustion du charbon, l’assèchement des océans… sont tous d’excellents moyens d’augmenter le PIB. Même une marée noire est bénéfique, car le nettoyage coûteux contribue à l’essor de la figure sacrée.
Ainsi, de nombreux économistes étudient actuellement la création d’indicateurs plus globaux qui prendraient en compte les aspects sociétaux et environnementaux dans la définition de la richesse. Et en matière d’environnement, mettre un prix sur le carbone semble être l’une des voies privilégiées.
De plus, une taxe carbone sur les déplacements professionnels améliorerait (en partie) la situation grotesque actuelle, car rappelons que pendant la crise climatique, le kérosène n’est toujours pas taxé…
A quoi ça ressemblerait pour le business travel ?
Aujourd’hui, la logique qui prévaut est le prix et le fameux « prix logique le plus bas ». Sur le vol Paris-Shanghai, on prend parfois une correspondance pour payer moins cher. Mais si un vol direct met 2 tonnes de CO2 en moins dans l’air, n’est-ce pas une valeur ? Si l’on suppose que le prix d’un vol direct est de 150 euros plus cher et que le prix du carbone est de 100 euros par tonne, alors on peut supposer que le « coût environnemental » est de 200 euros plus élevé avec un vol en correspondance. Par conséquent, le coût total « réel » du voyage (prix classique + impact environnemental) est de 50 € plus cher pour le vol de correspondance. Par conséquent, un prix interne du carbone est un excellent moyen de départager les coûts et les émissions de carbone.
C’est pourquoi LinkedIn vient d’introduire un prix interne du carbone de 60 $ par trajet (qui devrait bientôt se situer autour de 100 $ la tonne). Comme le souligne son travel manager Leslie Hadden, « il est temps de ne plus considérer le prix comme le seul indicateur tangible, mais de considérer les impacts non environnementaux ». Il pense également que la taxe est « un excellent moyen d’éduquer les voyageurs, de comprendre l’impact de leur voyage et, en fin de compte, de voyager moins ». C’est aussi un bon moyen de collecter des fonds pour financer des projets de développement durable à l’intérieur et à l’extérieur de notre chaîne de valeur.
Enfin, en mettant un prix interne au dioxyde de carbone, nous préparons potentiellement l’avenir. Il est possible (probable ?) que dans un futur proche les entreprises devront payer pour leurs émissions de CO2. Cela s’applique déjà aux entreprises énergétiques européennes (système ETS) et le système pourrait bientôt être également étendu au secteur des transports. Et si la prochaine étape était de généraliser cette taxe à toutes les entreprises ?
Une mise en œuvre parfois complexe
Bien que le potentiel d’une taxe carbone soit clair, sa mise en œuvre peut se heurter à certains écueils :
Premièrement, pour qu’un prix du carbone soit utile, il doit être élevé, autour de 100 € par tonne. Trop faible, il peut donner la fausse impression que quelques euros nous permettent d’être « neutres » et que notre impact environnemental est dérisoire. De plus, ce prix ne doit pas nécessairement être entièrement lié aux compensations carbone, un prix de marché souvent trop bas aujourd’hui. Dès lors, deux prix du carbone doivent coexister, un de compensation et un d’internalisation.
Il peut alors être difficile de percevoir cette taxe car les outils de réservation habituels peuvent ne pas l’afficher correctement, d’autant que les calculs d’émissions sont généralement très approximatifs. Il est donc parfois préférable de la collecter a posteriori, après un calcul précis des émissions (en tenant compte notamment du type d’avion).
Enfin, et c’est sans doute le point clé : il faut construire une dynamique collective, construire une adhésion interne, pour que l’intérêt de cette taxe soit compris et accepté. Les fonds collectés doivent être clairement étiquetés afin que chacun comprenne à quoi sert l’argent – et d’ailleurs, il vaut certainement mieux oublier le terme « impôt » au profit du terme « contribution ».
Pour citer Leslie Hadden en conclusion : « Nous voulons créer une véritable adhésion à ce projet. Cette taxe ne doit pas être considérée comme une punition, mais comme une contribution. Cet aspect positif est crucial tant pour la réussite de ce projet que pour la lutte contre le changement climatique.